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    13/06/2025

    Une décision demandée depuis des années par le RN

    Après sa dissolution, la Jeune garde saisit le Conseil d’État pour « faire la différence entre Jean Moulin et Klaus Barbie »

    Par Christophe-Cécil Garnier

    Ce 12 juin, le gouvernement a dissous la Jeune garde, un groupe antifasciste fondé en 2018. L’organisation, dont un des représentants est le député LFI Raphaël Arnault, va contester la décision devant le Conseil d’État.

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    Une trentaine de personnes s’entassent dans la cour d’un immeuble du 10ème arrondissement de Paris ce matin du vendredi 13 juin. Quelques journalistes, et surtout des organisations politiques ou syndicales, sont venues soutenir la Jeune garde, groupe antifasciste dont le drapeau de la section parisienne a été placé entre deux colonnes. La veille, le Conseil des ministres a dissous le collectif – en plus de Lyon populaire, mouvement néofasciste mené par Eliott Bertin, militant violent et antisémite, qui a été présent dans au moins sept agressions entre 2018 et 2023, selon le décompte de StreetPress. Une annonce dont s’est félicité le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui avait ciblé ces deux mouvements depuis le printemps, qu’il met au même niveau. La dissolution du groupe antifasciste était porté depuis des années par les élus du Rassemblement national et les militants de groupes d’extrême droite comme Némésis, qui s’en sont réjouis après l’annonce. « On va contester cette dissolution », annonce Cem Yoldas, porte-parole de la Jeune garde face aux journalistes. « Des comités locaux vont se créer, il va y avoir une mobilisation à venir, juridique évidemment mais pas que. » « En s’en prenant à la Jeune garde, Bruno Retailleau s’attaque à l’ensemble d’un camp social et politique », tonne Raphaël Arnault, cofondateur de la Jeune garde et député La France insoumise (LFI) depuis les dernières élections législatives.

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    Ce vendredi 13 juin, des militants sont venus soutenir la Jeune garde dans la cour d'un immeuble à Paris. Il s’agit de la cour de l’Actit où des membres du GUD ont attaqué un militant de la CGT en février 2024. / Crédits : La Jeune garde

    Le choix du lieu n’est pas anodin : il s’agit de la cour de l’Actit, association de jeunes travailleurs turcs, dans laquelle une quinzaine de militants du groupuscule d’extrême droite du GUD ont attaqué à coups de casques de moto et de tessons de bouteilles un militant de la CGT en février 2024. Raphaël Arnault rappelle dès le début de son intervention cette agression pour laquelle quinze militants d’extrême droite sont aujourd’hui mis en examen. Il avait auparavant prévenu sur les réseaux sociaux que le groupe contesterait cette décision devant le Conseil d’État. Le porte-parole, Cem Yoldas, a d’ailleurs alpagué Bruno Retailleau au sujet de ce futur « rendez-vous » :

    « On t’apprendra à faire la différence entre Jean Moulin et Klaus Barbie. »

    Parmi les organisations et personnalités présentes pour soutenir le groupe antifasciste face à cette dissolution se trouvaient également la CGT, l’organisation altermondialiste Attac, LFI, le député local Pouria Amirshahi (1), ainsi que d’autres mouvements antifascistes ou le collectif Urgence Palestine, également ciblé par le ministre de l’Intérieur, mais dont le décret de dissolution n’a pas été présenté au Conseil des ministres ce 12 juin. « On sait que nous sommes juste en sursis », indique une de leurs membres à la presse. « Ça crée une jurisprudence dangereuse, nous serons peut-être les prochains », s’inquiète Attac.

    Autodéfense collective contre l’extrême droite

    Depuis sa création il y a sept ans, la Jeune garde s’est imposée dans le paysage politique de la gauche par sa stratégie de communication antifasciste très ouverte, aux portes-paroles bien identifiés, à l’image de Raphaël Arnault. L’organisation s’est montée face aux agressions et à la profusion de locaux publics de groupuscules d’extrême droite dans le Vieux-Lyon – il y en avait alors cinq, dont ceux du Bastion social, de Génération identitaire ou du Parti nationaliste français du très radical Yvan Benedetti. « Il y avait plusieurs attaques par jour et personne n’en parlait parce qu’on se disait : “C’est comme ça à Lyon, on ne peut rien y faire” », a rembobiné Raphaël Arnault l’année dernière lors de sa campagne électorale.

    La Jeune garde a contribué à la mise en place d’un collectif antifasciste entre différentes organisations comme le NPA, les insoumis ou les anarchistes. Le collectif s’est ensuite développé et a créé des sections à Strasbourg, Paris ou Lille avec une centaine de militants. Le tout via un mantra : l’autodéfense collective face aux violences de l’extrême droite. En 2023, dans une conférence de l’institut La Boétie, Raphaël Arnault avait argumenté : « C’est une question de survie : si on lâche dans ces moments ultra-violents, on est morts. Ils se disent : “C’est possible”. À chaque fois qu’on va arriver aussi violemment [qu’eux], ils vont lâcher et nous gagner. Ne jamais lâcher, évidemment aussi en terme physique. On s’entend bien : tout le monde ne peut pas se défendre, je ne suis pas un amateur de musculation ou de sports de combat. C’est collectivement qu’on ne doit rien lâcher. »

    À LIRE AUSSI : Raphaël Arnault, un député antifasciste à l’Assemblée ?

    Cette opposition assumée aux groupes d’extrême droite a entraîné de nombreuses altercations entre eux et la Jeune garde. Dans le cadre de la guerre de communication qui s’opère sur les réseaux sociaux depuis des années, ces faits ont ensuite été revendiqués sur des canaux de la mouvance antifasciste. Sur l’un des plus connus, Antifa squads, de mi-2021 à mi-2024, au moins 27 altercations présentées comme victorieuses ont été attribuées à la Jeune garde à Paris, Montpellier, Lille, Marseille, Strasbourg, Arras, le Puy-en-Velay ou dans la région aixoise. Une grande partie contre des groupes violents d’extrême droite radicale, comme Génération identitaire, Lyon populaire, Luminis, la Citadelle, l’Action française ou encore Jeunesse Boulogne…

    Le décret de dissolution

    Ce sont la plupart de ces actions qui sont reprochées dans le décret de dissolution publié au Journal Officiel, qui indique qu’en « soutien d’un discours idéologique antifasciste », la Jeune garde provoque « des
    agissements violents » et « que sous couvert d’organiser la défense de ses membres », le groupe commet « des agissements violents contre les personnes, en vue d’affrontements avec les groupes adverses » d’extrême droite radicale.

    Le décret comporte également une menace de Raphaël Arnault envers Alice Cordier, leader de Némésis, qui se base sur un audio d’octobre 2023, publié par le groupe fémonationaliste, qui est retranscrit en ces termes : « On va lui mettre une balle dans la tête. » L’enregistrement est en réalité plus long. Raphaël Arnault s’adresse en fait à la militante identitaire Mila Orriols, en lui parlant d’Alice Cordier. Il reproche à cette dernière de relayer les actions des Kurdes contre Daesh en Syrie, alors que ces derniers sont communistes libertaires (2).

    Autre point abordé par le ministre de l’Intérieur : une altercation à Paris de la Jeune garde contre un adolescent juif fin mai 2024. Huit militants antifascistes ont été mis en examen pour « violence avec circonstances aggravantes de s’en être pris à quelqu’un pour son appartenance vraie ou supposée à une ethnie, nation, religion », bien que le parquet de Paris ait précisé qu’il n’y avait pas eu de violences physiques. La Jeune garde a elle nié le caractère antisémite des faits et affirme avoir reconnu l’ado comme un membre de la Ligue de défense juive, un groupuscule d’extrême droite interdite aux États-Unis et en Israël.

    Du côté des néofascistes de Lyon populaire, outre les agressions, leur décret de dissolution reproche au groupe d’extrême droite de diffuser « une idéologie qui provoque à des agissements violents, exalte la collaboration avec l’Allemagne nazie et propage des idées tendant à justifier ou encourager un discours discriminatoire et haineux envers les personnes immigrées, les juifs et les personnes homosexuelles ».

    Photo d’illustration de Raphaël Arnault en Une, prise par Claire Jacquin le 9 juillet 2024 à l’Assemblée nationale, après son élection comme député de la 1ere circonscription du Vaucluse, via Wikimedia Commons

    (1) Edit le 17 juin 2025 à 12h12 : Nous avions écrit que le député Pouria Amirshahi faisait partie d’EELV. Il n’est en réalité. membre d’aucun parti mais siège au sein du groupe écologiste et social à l’Assemblée nationale, qui comporte 38 élus.

    (2) « Qui est sur le front contre les terroristes, armes à la main ? Il y a des camarades qui sont partis en Syrie combattre Daesh armes à la main. Nous on a perdu des camarades, (…) avec les YPG et les Kurdes. Cette bouffonne d’Alice Cordier qui repartage [sur les réseaux sociaux] les Kurdes, j’ai un conseil à lui donner : qu’elle vienne là-bas, chez les Kurdes, on va lui mettre une balle dans la tête, c’est tout ce qui va se passer (…) C’est ça que vous comprenez pas, nous on n’aime pas les terroristes, les islamistes comme les terroristes nationalistes, c’est la même merde. »

    Nous espérons que la lecture de cet article vous a intéressés et que vous en garderez quelque chose dans votre regard sur le monde

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