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22 v’la les flics
La petite affaire tourne depuis moins d’une demi-heure quand un véhicule de police se gare au coin de la rue. Ceux qui regardaient dans la bonne direction s’éloignent nonchalamment à l’approche des bleus. « Bonjour ! » lance haut et fort l’un des fonctionnaires. La dizaine de clients restés sur place répond à voix basse. Chacun regarde la pointe de ses chaussures. « Bon c’est qui le patron ? » Pas de réponse. Un autre policier fait la grosse voix. « Vous savez que c’est illégal ? En plus, je suis sûr qu’ici personne n’a son attestation… C’est 135 euros pour tout le monde. » Le « patron » qui a fini par se dénoncer, à aussi le droit à une remontrance :
« Pour vous, je ne sais pas à combien monte l’amende. Mais c’est plus que la valeur de tout ce qu’il y a dans le camion. Et on saisit toute la marchandise ! C’est donné à des associations. »
Le commerçant n’en mène pas large. Une riveraine vient finalement à son secours. « On le connait, on lui a dit de venir. C’est pour aider, comme les marchés sont fermés… » La discussion s’engage et le ton des pandores s’adoucit. Finalement, clients et commerçants échappent à l’amende. Les fonctionnaires accordent même quelques minutes de rab’ pour servir ceux qui faisaient encore la queue.
La police ferme les yeux
Selon les policiers du coin, ces ventes de fruits et légume au cul du camion se seraient multipliées :
« Ici [à Aubervilliers], on en contrôle plusieurs fois par jour et à Saint-Denis, c’est pareil. »
La préfecture de police déclare de son côté ne pas avoir constaté « un accroissement de la vente sauvage de fruits et légumes ». Si le sujet n’est pas remonté, c’est que les bleus sont plutôt coulants sur la question et se contentent, le plus souvent, d’un sermon.
Aubervilliers toujours. Un autre de ces commerçants a eu la visite des policiers. « J’ai montré le Kbis (1). Je suis en règle, je déclare tout », assure le bonhomme. Même s’il n’a pas l’autorisation de vendre sur le trottoir, les policiers ont fermé les yeux. En temps normal, l’homme livre les restaurants en fruits et légumes. Depuis le début du confinement, la petite camionnette est clouée au pied de son immeuble. Alors pour ne pas couler, il s’est improvisé primeur. « Les aides de l’État ? Les demandes sont parties, on verra bien. Mais en attendant, on a quand même besoin d’argent », détaille-t-il tout en enfournant les nectarines dans un sachet transparent.
(1) Le kbis est un document officiel attestant l’existence légale d’une entreprise.
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