Toulon (83) – Elle s’est pincée pour y croire. En cette matinée du 27 mars, Zohra (1), membre de l’équipe d’agents municipaux en charge de l’espace Beaucaire, voit Nicolas Koutseff entrer dans ce lieu d’accueil d’activités associatives, dans le quartier du même nom de l’ouest de la ville varoise. Elle connaît bien l’homme pour avoir tenu par le passé des bureaux de vote avec lui, et lui demande ce qu’il fait là. Devant un deuxième témoin, Nordine (1), Nicolas Koutseff répond qu’il vient « en tant qu’attaché parlementaire de Laure Lavalette », la députée Rassemblement national (RN), pour « avertir de sa visite » dans l’espace Beaucaire le lendemain. Histoire de « faire un tour dans les locaux et rencontrer les gens qui y travaillent ».
Sur le papier, tout roule. Mais il y a quand même un gros point qui interroge Zohra et Nordine : Nicolas Koutseff n’est plus censé travailler depuis octobre pour la députée Lavalette, étoile montante de la lepénie. Et donc, préparer ses déplacements. Il a été viré après les révélations du média en ligne Les Jours, qui ont exhumé une longue série de tweets, au choix : racistes, antisémites ou homophobes, mais toujours orduriers, écrits entre 2016 et 2024. La médiatique députée qui assurait alors à la presse « tomber de l’armoire » s’était résolue à se passer des services de ce quadra, réputé très proche d’elle. Difficile, il faut dire, pour celle qui attend le bon moment pour se porter candidate à la mairie de Toulon lors des élections de mars prochain, de laisser passer des punchlines comme : « Le Val-de-Marne c’est l’Afrique ? » ; « la colonisation ça a du bon » ou, envers l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, « c’est bon d’être une pute ». Une insulte qu’il a également infligée à Jean-Luc Mélenchon, la duchesse de Sussex Meghan Markle, le journaliste Jean-Michel Aphatie ou encore le footballeur Marcus Thuram.
Alors qu’est-ce que faisait cet ancien assistant parlementaire RN à l’espace Beaucaire en costume et flanqué selon nos informations du tout aussi endimanché Antoine di Martino. Ce dernier est l’un des collaborateurs actuels de Laure Lavalette, pour sa part bien en poste. Nicolas Koutseff serait-il en train de revenir en politique par la discrète porte de menus services rendus à la députée dont il a été très proche ? En tant qu’ami ou bel et bien en tant qu’attaché parlementaire comme il l’a affirmé à nos témoins ? Joint à plusieurs reprises pour en savoir plus, Nicolas Koutseff a préféré raccrocher au nez de StreetPress que démentir nos informations. Zohra, elle, n’en a pas su davantage. « Ça a été une entrevue très brève et j’ai prévenu, ainsi que j’en ai l’obligation, mon supérieur pour qu’il soit présent le lendemain afin d’accueillir la députée. »
Pas de démenti
StreetPress n’a pas eu plus de chance avec la députée lepéniste Laure Lavalette, contactée par mail et qui n’a jamais donné suite. Elle n’a pas non plus répondu à Var Matin qui a également mentionné cette visite dans un entrefilet publié dans sa newsletter politique. Quant à Amaury Navarranne, chef de file de ce qu’il reste du groupe RN au conseil municipal de Toulon – Koutseff exclu, ils sont actuellement deux –, il pèse bien ses mots pour refuser de nous répondre. « Ce sujet ne me concerne pas », nous assène-t-il par deux fois. On aurait pu s’attendre à une tentative de défense des intérêts de Laure Lavalette un peu plus vigoureuse…
Depuis son licenciement, Koutseff a désactivé son compte Twitter-X et déserté les couloirs de la mairie. Le quadra à la barbe longue et au look élaboré de dandy n’a pas remis un pied aux séances du conseil municipal et le courrier dans sa boîte aux lettres municipales s’accumule, nous indique une source. Son « départ » du RN avait été discret : par un truchement de la providence, la cotisation de Koutseff au parti n’ayant pas été renouvelée à une semaine près, aucune commission de discipline ne s’est tenue sur son cas.
La venue de cet ex-assistant parlementaire, mais qui semble donc toujours faire le job à l’espace Beaucaire a d’ailleurs été suivie d’effets : Laure Lavalette et ses collaborateurs y ont bien passé une tête le lendemain, mais sans l’homme de l’ombre. La députée qui lorgne sur la mairie de Toulon n’est pas restée longtemps, privilégiant un long entretien au Rocher, une asso catholique. « Elle a choisi la fin du Ramadan pour venir, du coup les rues étaient désertes. Mais ça ne l’a pas empêché de faire déplacer deux fourgons de policiers et une voiture banalisée pour encadrer sa visite à La Beaucaire. C’est bien la seule élue à faire ça, tout parti confondu », note Zohra. « En même temps, elle n’a plus Koutseff pour lui servir de garde du corps », persifle une élue toulonnaise. Plus officiellement, du moins.
(1) Le prénom a été modifié.
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